Soja et hormones, pourquoi on s’en méfie ? Quel soja consommer ? Comment ?
Quand on aborde la question de l’alimentation en naturopathie, une des dimensions importantes est la variété (toujours associée au plaisir bien sûr). En effet, on a tendance à manger un peu “toujours la même chose” par facilité et habitude. Aller vers une plus grande diversité alimentaire, tout en s’appuyant sur la saisonnalité, permet d’accéder à une plus large variété de nutriments, vitamines et minéraux. Apports qui seront bénéfiques pour l’équilibre.
Qu’entend-on par variété en ce qui concerne les protéines ? Quelles sont les protéines végétales ? Le soja est-il bon pour la santé ? Et en particulier pour la santé hormonale des femmes ? Qu’en est-il de l’impact du soja sur les hormones ?
Le soja : une protéine végétale qui permet de varier ses apports
Concernant les protéines, la variété compte aussi ! Aux personnes qui mangent des protéines animales (viandes, poissons, oeufs, produits laitiers), je conseille régulièrement d’aller “explorer” les protéines végétales que sont :
- les légumineuses (soja, lentilles, pois chiches, haricots rouges, soja…),
- les céréales (blé, riz, seigle…)
- les oléagineux (amandes, noix, noisettes…)
- mais aussi les algues.
Le soja, une excellente source de protéines
Le soja fait partie de la famille des légumineuses. Parmi les sources de protéines d’origine végétale, le soja est considéré comme la meilleure car elle est très riche en protéines, fibres et vitamines.
En outre, son profil lipidique est intéressant car il est à la fois riche en omégas 3 et pauvre en acides gras saturés.
Le soja contient des isoflavones (sous-famille des flavonoïdes), connus leurs propriétés pseudo-œstrogéniques (phyto-oestrogènes). Et c’est à leur sujet que se cristallisent pas mal d’interrogations…
Les phyto-oestrogènes, amis ou ennemis ?
Les phyto-oestrogènes sont des nutriments d’origine végétale. Ce sont des précurseurs des oestrogènes, des androgènes et de la progestérone. Donc de toutes les hormones sexuelles de la femme comme de l’homme.
On peut les classer en quatre familles:
- les isoflavones présentes surtout dans le soja mais aussi dans les pois chiches, les thés verts, la sauge, le fenouil.
- les flavanones présents dans le houblon qui semble avoir le plus fort pouvoir oestrogénique grâce à la prénylnaringénine qu’il contient.
- les lignanes présents dans les parois cellulaires des végétaux, les graines de céréales complètes, les légumes, les fruits, les légumineuses.
- les coumestanes dans la luzerne et le trèfle rouge.
On les appelle phytoestrogènes car ils interagissent avec les récepteurs de nos cellules aux oestrogènes. Mais ce ne sont pas des oestrogènes ! Dans les faits, ils se lient si faiblement aux récepteurs aux oestrogènes qu’ils bloquent l’estradiol. Ils sont par conséquent plutôt qualifiés d’anti-oestrogènes.
Le soja est à l’heure actuelle la source la plus connue de phyto-oestrogènes. Toutefois, contrairement aux idées reçues, le soja n’est pas l’aliment qui en contient le plus : la graine de lin par exemple en contient 257,6 mg/100 g, alors que le lait de soja en contient entre 0,7 et 2,56 mg/100 g.
Faut-il consommer du soja à la préménopause ?
Les bienfaits du soja à la préménopause
Durant la préménopause, lorsque le niveau des oestrogènes est élevé, les phytoestrogènes auront un effet anti-oestrogène bénéfique. Ils peuvent ainsi contribuer à réduire le flux des règles et promouvoir un métabolisme sain des oestrogènes.
Une alimentation composée d’aliments en contenant pourrait même aider à prévenir les cancers hormono-dépendants.
Faut-il consommer du soja à la ménopause ?
Les bienfaits du soja à la ménopause
Durant la ménopause, quand les oestrogènes sont au plus bas, les phytoestrogènes peuvent avoir un léger effet pro-oestrogènes.
Ce qui a fait l’objet d’un grand nombre de recherches sur l’utilisation des phytoestrogènes. Notamment sous forme de compléments, tels que le soja en tant qu’alternative à l’hormonothérapie
Cf. article : Préménopause, périménopause, ménopause… On fait le point ?
Mais alors, pourquoi se méfie-t-on du soja ?
Il est très fréquent que lorsque je demande à mes clientes si elles consomment du soja, elles répondent qu’elles évitent. Pensant que ce n’est pas bon au niveau hormonal…
Compte tenu de ce que je décris plus haut, je suis allée chercher d’où provenait cette idée si largement ancrée dans les esprits.
J’ai notamment trouvé la réponse dans le livre “Hormones, arrêtez de vous gâcher la vie” du Dr Vincent Renaud et de Véronique Liesse : tout a commencé en 2005 avec un rapport de l’ANSES…
Rapport de l’ANSES
Le rapport “phyto-oestrogènes” de l’Anses de 2005 décourageaient l’usage du soja, en particulier chez la femme enceinte, la femme ayant des antécédents de cancer du sein et l’enfant en bas âge. Mise en garde relayée par certains médias. Les phyto-oestrogènes du soja étaient soupçonnés de stimuler la tumeur en cas de cancer du sein hormono-dépendant et de favoriser les récidives.
Pourtant, le rapport ne présentait aucune étude justifiant de cette mise en garde.
Depuis, plusieurs “méta analyses” et “revues systématiques” ont amené les scientifiques à faire marche arrière unanimement et ce quelle que soit par ailleurs l’origine ethnique considérée (études multiethniques).
La polémique sur les phyto-oestrogènes tient davantage à la dénomination impropre de ces composés qu’à la réalité de leur activité biologique. Comme indiqué précédemment, contrairement à ce que leurs nom suggère, les phyto-oestrogènes ne sont en aucun cas des oestrogènes. Ils ont une faible action analogue à celle des oestrogènes. Comme ils entrent en compétition au niveau des récepteurs des oestrogènes, ils inhibent l’excès d’oestrogènes.
Dans le sein, l’activation des récepteurs auxquels ils se fixent préférentiellement inhibe la stimulation et la prolifération de certaines cellules (notamment cancéreuses). Alors que ces mêmes cellules sont stimulées par les autres récepteurs oestrogéniques.
Les études récentes concluent à une absence de risque
Les résultats des plus récentes études sont si probants qu’ils ont conduit plusieurs sociétés savantes américaines à modifier leurs recommandations. Dès 2012, elles ont indiqué l’absence de risque à consommer du soja après un cancer du sein. Ainsi qu’un probable effet préventif, notamment chez les femmes ménopausées.
En conclusion, chez l’espèce humaine, aucun effet autre que bénéfique lié à l’ingestion des phyto-oestrogènes n’a jamais été observé. Le seul effet hormonal lié à la consommation de soja constaté à ce jour est un léger allongement de la durée du cycle menstruel.
Le soja, à limiter en cas d’hypothyroïdie
La consommation d’isoflavones pourrait, en revanche, modifier les taux circulants d’hormones thyroïdiennes. Et ce, par un effet sur leur synthèse ou leur conversion, en diminuant la transformation de T4 en T3. Le soja faisant partie des aliments dits « goitrogènes ».
A noter également que le soja est un allergène potentiel majeur.
Quel soja consommer ? Sous quelles formes ?
Lait de soja, crème, yaourts, tofu, tempeh, sauce et fèves… ses dérivés sont nombreux et permettent de varier les plats tout en garantissant de bons apports en protéines.
Le soja non fermenté
Le lait de soja représente une bonne alternative au lait animal car sans lactose (le lait de vache contient d’ailleurs de véritables oestrogènes, sous forme d’oestradiol, ce qui est problématique).
Le tofu est fabriqué à partir de lait de soja.
Le soja fermenté
Parmi les aliments traditionnellement consommés en Asie de l’Est, le tempeh est un aliment fermenté fabriqué à partir des graines entières de soja et contient, de fait, deux fois plus d’isoflavones que le tofu.
Il existe de nombreux aliments fermentés à base de soja, qu’ils soient traditionnels – miso, natto, tamari, tempeh…- ou de fabrication plus récente (yaourts, tofus lacto fermentés, fromages, desserts…).
Au cours de la fermentation, diverses réactions chimiques naturelles transforment les nutriments du soja cru en des nutriments plus facilement assimilables. En outre, la formation d’acide lactique rend ces produits hautement digestes.
Bio, produit en France et non OGM
Préférer le soja bio et produit en France. En effet, les conséquences environnementales de la culture de soja au Brésil (destinée à l’élevage principalement) sont désastreuses et il est important de privilégier une consommation locale. Il faut savoir que le bio tolère cependant un seuil de 0,9% d’OGM.
Opter pour du soja non OGM: cela est généralement indiqué sur l’emballage. À noter: le soja produit en France est forcément sans OGM.
Consommer deux à trois fois par semaine des produits à base de soja associés à divers légumes frais permet de bénéficier des bienfaits des phyto-oestrogènes.
Enfin, pour sortir de l’image du tofu fade et sans intérêt je vous conseille la lecture de cet article, hyper complet qui fait aussi le point sur l’impact écologique de la culture du soja.
Sources :
- Livre “Hormones, arrêtez de vous gâcher la vie” du Dr Vincent Renaud et de Véronique Liesse dans
- Etude de J.Y Dong et al., “Soy Isoflavones consumption and risk of breast cancer incidence or recurrence: a meta analysis of prospective studies”, Breast Cancer and Treatment, janvier 2011.
- Article La Nutrition, “Comment la télé flingue le soja”, mai 2011
- Dossier “Soja: faisons le point”, revue BioContact novembre 2020.
- Alternatif Bien.être n°163, avril 2020, dossier “Peut-on encore consommer du soja ?”
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